Le SNU, la fausse bonne idée

Peu de monde le sait, mais c’est l’ancien chef de Cabinet de Stéphane le Foll, un certain Rémi Branco qui avait susurré l’idée à François Hollande d’un séjour de cohésion des jeunes, qui n’avait entre nous soi dit rien à voir avec le dispositif du SNU actuel. Je me souviens parfaitement avoir échangé avec lui un soir d’été 2013 en terrasse toulousaine, place du Capitole sur ce sujet. 

Et cette idée à du arriver jusqu’au conseiller, ancien banquier d’affaire, qui murmurait à l’oreille du Président Hollande. 

Ainsi, c’est en 2019 que le Président Macron instaure sur quelques départements pilotes, dont les Hautes-Pyrénées, « son » Service National Universel (SNU) souhaitant « proposer aux jeunes français, filles et garçons, un moment de cohésion visant à recréer le socle du creuset républicain et transmettre le goût de l’engagement »Un phrase lénifiante dont les politiques ont le secret et qui in fine ne veut rien dire de particulier.

Mais déjà nommer ce moment dit de cohésion « service national » fusse t’il universel, est l’erreur fondatrice en ce qu’il rappelle à la génération des parents ou grands-parents, le fameux SN, service national qui n’était autre que le service militaire qui à bout de souffle fut suspendu en 1996 par le Président Chirac.

Il faut dire que ce SNU étendu à tous le territoire, non en 2020, pour cause de COVID, mais en 2021 sur la base du volontariat fut à la peine pour trouver 24.000 jeunes sur les 30.000 de la cohorte de volontaires prévus, volontaires ou « volontarisé » par leurs parents, sans parler de l’objectif de 50.000 volontaires, lui aussi loin d’être atteint en 2022. 

Etonnant aussi que ce SNU utilise abondamment des codes visuels du défunt service militaire, le kaki en moins, remplacé par le bleu et blanc et le bordeaux pour les encadrants.

Il faut rappeler que dans les Armées, la discipline, les horaires et la mise en rang ne sont absolument pas des finalités en elles-mêmes mais des moyens de donner de la cohésion à un groupe qui doit être efficace au combat, c’est-à-dire dans un contexte potentiellement létal.

Or si ces codes visuels sont marquants, le nouveau SNU n’est pour autant pas militaire. La part du militaire y est réduite à la portion congrue et en réalité à peine plus que lors de l’actuelle Journée Défense et Citoyenneté et, les Armées ne contribuent à ce dispositif qu’à reculons.

Et cette attitude de leur part est logique car le SNU n’a aucune finalité militaire puisqu’il ne consiste pas à apprendre à chaque classe d’âge à défendre son pays par les armes.

Mais les images produites par le Gouvernement et notre histoire française du service militaire rendent inévitable le rapprochement entre ce qui est de l’ordre de l’éducation patriotique et l’idée d’une militarisation de la jeunesse. C’est le problème d’un dispositif qui mêle des apparences de vie militaire et de colonie de vacances, dont le contenant – l’uniforme par exemple – a été bien plus pensé que la finalité qui donnerait une cohérence à l’ensemble.

Cette confusion entretenue peut produire deux effets : tout d’abord, alors même que les armées ne sont pas enthousiastes pour le nouveau SNU, ces images réactivent tout au contraire des réflexes antimilitaristes. Par ailleurs, ce débat sur une supposée militarisation qui n’est pas, masque en fait le vrai débat qui est celui de la légitimité d’un dispositif de ce type, destiné à devenir obligatoire, pour faire adhérer des jeunes à des « valeurs » qui ne sont que très conjoncturellement définies.

La volonté affichée du Président avec le SNU est de raccrocher une partie de la jeunesse en perte de repères à une sorte d’idéal patriotique et cette idée est très critiquée par une grande partie de la gauche.

Il y a en fait un faux débat sur la question de la place du militaire dans le dispositif.

La gauche a été militante contre le service militaire intégré au service national à la fin des années 1960 et dans les années 1970. Par héritage, donc, ce qui ressemble à une réactivation de ce modèle réactive une critique, parfois constructive et utile si l’on réfléchis sur la manière dont l’école républicaine pense le rapport entre pédagogie et éducation à la citoyenneté mais aussi parfois pavlovienne et superficielle.

En miroir, ceux qui ne critiquent pas le SNU ou sont dans une position plus attentiste portent sans doute en mémoire l’idée que le service a été pendant longtemps un rite de passage utile au bon ordre social.

Pour ceux-là, il est possible que le SNU soit perçu comme une solution qui vient offrir des repères voire remettre de l’ordre dans une société en crise.

D’ailleurs, les images, maladroites et ou contre productives à mon sens, de la communication gouvernementale montrent des jeunes garçons et filles alignés, en uniforme, dans de multiples situations et notamment lors de la levé des couleurs jusqu’au chant de la Marseillaise devant une Ministre.

Dans tous les camps, le débat, lorsqu’il prend des formes superficielles de réaction à des sortes de stimuli mémoriels que provoque le SNU ainsi conçu, est marqué par une mémoire totalement brouillée du service militaire devenu national en 1965. La communication politico-militaire, dès les lendemains de la guerre d’Algérie, a porté un récit sur le service national qui a totalement gommé la finalité combattante qui était celle du service militaire. Dans la pratique, les appelés non volontaires n’ont pas été engagés dans des opérations de combat après la guerre d’Algérie. On a donc raconté l’histoire d’un service national fait de cohésion par le sport, de découverte de l’autre par le brassage des origines géographiques, d’apprentissages utiles à la vie de l’honnête homme – et non l’époque était ainsi de la femme -.

Mais en cette période où l’on nous explique qu’il faut de surcroît économiser de l’argent, racler les fonds de tiroirs et travailler plus, allouer plus de 2 milliards, voire plus, dès 2024 pour sa généralisation fait grincer des dents.

Et au-delà de la faisabilité matérielle tels que les locaux et l’encadrement, se pose la question de la légitimité même du dispositif.

Des sociologues qui ont travaillé dans le contexte de la suspension du service national ont démontré qu’il était beaucoup plus difficile de faire admettre à une population, la légitimité d’un service civique ou civil que celle d’un service militaire car le service militaire a pour fondement la réponse à des menaces armées.

Chez nos voisins européens qui ont des services civils ou civiques, ceux ci reposent sur le volontariat.

Car tout de même à minima la question se pose : au nom de quel impératif supérieur peut-on contraindre toute une classe d’âge à se soumettre à une obligation délimitée dans le temps, selon des formes prédéfinies par l’État en dehors de l’obligation scolaire ?

Et si le Gouvernement souhaite réellement rendre le SNU obligatoire alors même qu’il ne sera jamais admis comme absolument légitime par l’ensemble de la population, alors il faut prévoir un régime de sanctions ferme et réellement dissuasif.

Le Président de la République et son Gouvernement sont ils prêts dans le contexte actuel de difficultés tant sociales, économiques que politiques à jeter cela en plus en pâture ? L’enjeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Poser la question c’est probablement y répondre.

Et puis l’annoncer maintenant, à quelques jours d’une grève du pays qui s’annonce ferme, dure, suivie, déterminée, n’est-ce pas le meilleur moyen d’être perçu comme une provocation et de faire descendre les lycéens dans la rue, ce qui n’était pas encore vraiment le cas ?

François Mitterrand disait « la pire erreur n’est pas dans l’échec mais dans l’incapacité de dominer l’échec ». 

Finalement, nous en sommes toujours sur la question du pompier pyromane.

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